Tronc commun dans l'enseignement secondaire

Intervention de Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR), dans le débat thématique relatif au tronc commun dans l'enseignement secondaire
Intervention principale de Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Chers collègues, que ce soit dans cet hémicycle, dans la presse ou sur les réseaux sociaux, notre parole est libre, mais cette liberté nous oblige à dire la vérité et la vérité a ses droits.
Pourtant, depuis l'annonce du Gouvernement sur sa note d'orientation relative à la réforme du degré inférieur secondaire, ce sont des contre-vérités, des caricatures électoralistes et des attaques gratuites qui dominent dans les discours de l'opposition des gauches. Décidément, cela devient une habitude.
L'opposition essaye à présent de trouver des divergences entre les partenaires de la majorité, en faisant des comparaisons entre un visuel publié par la Ministre-Présidente Degryse et un visuel publié par le journal «Le Soir», et non pas par la Ministre Glatigny. Ce qui ne m'a pas échappé, ce sont les visuels que vous avez publiés sur vos réseaux sociaux respectifs.
Premièrement, vous vous plaisez à dépeindre un Gouvernement qui serait «déconnecté du terrain», «sourd aux acteurs de l'école».
C'est faux. Au contraire, la nouvelle organisation du degré inférieur de l'enseignement secondaire répond aux nombreuses et légitimes préoccupations des enseignants et des directions de l'enseignement fondamental, secondaire, général ou qualifiant.
En effet, s'il y a bien une mesure du Pacte pour un enseignement d'excellence qui est loin de faire l'unanimité chez les acteurs de terrain, c'est un tronc commun pur et dur pour tous les élèves jusqu'en fin de troisième année du secondaire.
N'en déplaise à certains de mes collègues, je citerai certains extraits du rapport que j'ai rédigé à la suite de la tournée que j'ai effectuée dans pas moins de 150 écoles de l'arrondissement de Verviers. Cette tournée concernait tous les réseaux et tous les niveaux d'enseignement. (Sarcasmes sur les bancs du PS, du PTB et d'Ecolo.) Si les témoignages des acteurs du terrain vous font rire, vous n'avez qu'à leur dire.
Je cite: « Les arguments contre l'allongement pur et dur du tronc commun sont nombreux et concernent principalement les élèves qui présentent des difficultés – la suppression du premier degré différencié –, ce qui inquiète tant les répondants du fondamental que du secondaire. Beaucoup précisent que cela leur fait peur, que c'est triste, ou encore qu'ils ont beaucoup de craintes et d'inquiétudes. D'autres parlent même de catastrophe, d'horreur, d'erreur monumentale ou d'aberration. Ils estiment que le Pacte va enfermer, noyer, cloisonner, coincer, traîner les élèves en difficulté dans un tronc commun allongé jusqu'à la troisième. Les répondants évoquent des élèves qui vont galérer, être désespérés, dégoûtés, brisés, détruits, en souffrance, découragés, démotivés, dépassés, déroutés, perdus, dévalorisés, malheureux, sacrifiés, massacrés, enfoncés. Certains parlent de dégâts, de dommages collatéraux ou encore de renforcement des inégalités, avec la perte d'élèves en chemin, et un renforcement du décrochage scolaire. Les opposants à l'allongement du tronc commun précisent que certains élèves ne seront jamais faits pour un enseignement secondaire traditionnel avec du latin et des langues étrangères pour tous, et qu'ils ont besoin de moins de cours théoriques, mais de plus de pratique, de manuel. Ils estiment que c'est une utopie de vouloir que tous les élèves atteignent le même seuil de compétences et le même niveau jusqu'à 15 ans. Plusieurs répondants estiment que l'allongement du tronc commun sabote, tue l'enseignement qualifiant, alors qu'il convient au contraire de le revaloriser et qu'il y a déjà beaucoup de métiers en pénurie, ce qui ne va faire qu'empirer. Avec l'allongement du tronc commun, le choix d'orientation de l'élève est repoussé d'une année supplémentaire. »
Ces inquiétudes sont telles qu'elles valent même une brèche dans le front commun syndical, puisque deux syndicats, après avoir recueilli l'avis de leurs adhérents, se sont désolidarisés des autres organisations syndicales voulant maintenir le tronc commun à tout prix.
Il est essentiel d'être à l'écoute des acteurs de terrain, de celles et ceux qui sont chaque jour devant leur classe, et pas seulement se reposer sur l'avis de corps intermédiaires qui apparaissent déconnectés de leur base.
Deuxièmement, vous n'avez de cesse de présenter les mesures relatives à la réorganisation des trois premières années de l'enseignement secondaire comme des mesures « purement idéologiques », ou selon vos mots, des « lubies politiques ».
C'est faux. Les idéologues sont ceux qui, nonobstant les retours du terrain – comme ceux que je viens d'évoquer et qui dérangent certaines personnes – veulent maintenir à tout prix le tronc commun tel qu'il a été pensé il y a plus de dix ans.
Or, en dix ans, notre société, nos écoles, notre jeunesse ont été bouleversées par de nombreuses crises. Qui pourrait le nier? Des problématiques sont apparues ou ont été renforcées. Je pense par exemple au harcèlement scolaire, à l'augmentation des élèves à besoins spécifiques, à l'hétérogénéité croissante des classes que doivent gérer les enseignants.
Soyons francs: nous sommes loin aujourd'hui de l'élève idéal, pensé par le Pacte, qui aurait dû déjà être profondément transformé par ses premières réformes et qui entre en première secondaire l'année prochaine.
La politique, c'est aussi avoir le courage de corriger le tir en cours de route, lorsque les circonstances s'imposent. C'est ce que le Gouvernement fait, en prenant ses responsabilités.
Monsieur Casier, je vous ai entendu nous faire l'historique de ce dossier, en vous en prenant à notre partenaire de majorité, Les Engagés. C'est assez comique, car dans cet historique, vous oubliez cinq ans, la mandature de la Ministre socialiste Caroline Désir. Qu'a-t-elle fait pour implémenter ce tronc commun allongé à la troisième? A-t-elle mis en place les cellules de reconversion? Non, elle n'a rien fait de tout cela. A-t-elle réglé le sort des élèves en difficulté à la suite de la suppression du degré différencié? Non. Mon groupe, ainsi que Mme Schyns qui a contribué à cette réforme, lui a posé régulièrement des questions pour voir comment elle avançait sur cette implémentation. Rien de tout cela en cinq ans. Nous avons longuement parlé des écoles du tronc commun. Mme Désir a-t-elle mis en place un dispositif permettant de les créer et donc de modifier la manière dont les établissements s'organisent? En cinq ans, rien n'a été fait et c'est une étape que vous oubliez dans l'historique que vous faites de ce dossier.
Troisièmement, vous criez « au retour vers le passé ».
C'est faux. L'esprit du Pacte est préservé. Les élèves ne sont pas enfermés dès la troisième secondaire dans un parcours d'apprentissage dont ils ne pourraient plus sortir. Un élève qui échoue en troisième ne passe pas automatiquement en quatrième en étant relégué vers une autre filière. Et un élève ne doit pas choisir de manière définitive en fin de deuxième la filière générale ou qualifiante.
La réforme s'inscrit dans la DPC afin de mieux orienter les jeunes en leur permettant de tester des orientations dès la deuxième secondaire, mais sans contrainte de choix à partir de la quatrième. Elle permet aussi à ceux qui ont déjà les idées claires sur leurs choix en troisième de s'investir tout de suite dans leurs priorités. C'est une évolution souhaitable de la pédagogie appelée par de nombreux acteurs de terrain et qui s'inscrit dans la continuité des travaux initiaux du Pacte.
Quatrièmement, vous parlez d'orientation « obligatoire » en fin de deuxième année, d'orientation « précoce » et de « relégation ».
C'est faux. Le modèle proposé instaure des activités orientantes pour prendre en compte tous les élèves: ceux qui n'ont pas encore de projet personnel comme ceux qui savent déjà ce qu'ils veulent faire. Il s'agit de faire en sorte que chaque élève soit en mesure, en fin de troisième année, de poser un choix d'orientation positif et non un choix par défaut, comme c'est trop souvent le cas. Nous revalorisons ainsi l'enseignement qualifiant, qui ne sera plus perçu comme une filière de relégation, mais présenté comme un enseignement tenant compte des évolutions du marché de l'emploi et offrant une véritable opportunité de carrière.
Cette réforme permettra aussi de préserver des emplois que le Pacte pour un enseignement d'excellence menaçait. Tel que négocié avec les acteurs de l'enseignement, il aurait entraîné la parte de 1.400 équivalents temps plein (ETP). Le Pacte prévoyait des reconversions, mais Caroline Désir n'a rien fait pendant cinq ans. Il est ironique d'entendre la gauche défendre une réforme du Pacte qui aurait été dévastatrice pour l'emploi. Les activités orientantes permettront de réduire fortement les pertes d'emploi dans l'enseignement qualifiant et un travail sera effectué sur la réaffectation des enseignants en perte de charge.
Mais assez parlé de vous, de vos approximations et de vos fausses vérités! L'essentiel, ce sont les faits et ce que le Gouvernement fait concrètement.
Conformément à la Déclaration de politique communautaire (DPC), la réforme vise à faire du degré inférieur de l'enseignement secondaire une étape clé pour consolider les apprentissages fondamentaux, accompagner tous les élèves en difficulté, permettre l'orientation et la découverte des métiers, renforcer la culture numérique et adapter les carrières enseignantes à ces évolutions.
La volonté du Gouvernement est d'assurer une continuité pédagogique entre l'enseignement fondamental et l'enseignement secondaire, afin que chaque élève dispose des acquis nécessaires pour aborder sereinement le degré secondaire inférieur. Il s'agit de répondre aux défis auxquels les écoles sont confrontées après une décennie qui a profondément chamboulé les métiers de la transmission, notamment avec l'arrivée de l'intelligence artificielle (IA).
La première année de l'enseignement secondaire sera une étape clé de cette réforme. Elle doit permettre à chaque élève de consolider les acquis de l'enseignement fondamental, tout en s'ouvrant à de nouvelles disciplines, activités et méthodes de travail. C'est ainsi que la grille horaire intégrera plus de numérique. L'IA sera au cœur des apprentissages et fera la part belle à des dispositifs innovants. Deux jours blancs seront par exemple transformés en «journées découverte». La flexibilité horaire sera également renforcée grâce à la possibilité d'opter pour le mécanisme P45/P90. Au passage, c'est conforme à l'objectif du Pacte de limiter les jours blancs, ainsi qu'à l'objectif du Gouvernement de renforcer l'autonomie des écoles.
Cette réforme prévoit aussi un accompagnement dans l'enseignement secondaire, un accompagnement personnalisé, mais aussi un accompagnement renforcé pour les élèves qui en ont besoin. Il s'agit donc de deux dispositifs. Tout comme dans l'enseignement primaire, tous les élèves bénéficient d'un accompagnement personnalisé qui prend place durant deux périodes par semaine, pour faciliter la différenciation, la remédiation, la consolidation ou le dépassement. Cela favorise également un climat inclusif au sein de la classe. Les périodes auparavant dédiées à la première année différenciée seront spécifiquement consacrées à un accompagnement renforcé des élèves qui présentent des difficultés, tels que ceux qui arrivent dans l'enseignement secondaire sans avoir obtenu le certificat d'études de base (CEB). Cet accompagnement renforcé est centré sur la consolidation des acquis fondamentaux nécessaires à la réussite.
En deuxième année de l'enseignement secondaire, on renforce l'orientation en prélude à la troisième. Huit demi-jours par année, soit 32 périodes, sont consacrés à des stages, des conférences, des visites d'entreprises, des ateliers animés par des professionnels, des projets collectifs en classe. Deux journées d'orientation supplémentaires sont aussi prévues durant les jours blancs. En outre, la grille horaire est adaptée aux nouveaux enjeux pour consolider les apprentissages fondamentaux et les compétences numériques.
Madame la Ministre, l'orientation est bien au cœur de la troisième année de l'enseignement secondaire. Son importance est renforcée par l'attribution de huit périodes hebdomadaires d'activités orientantes devant être suivies par chaque élève dans deux domaines différents, chacun pour quatre périodes. À ce sujet, trois voies d'organisation sont prévues: la voie de transition, la voie qualifiante et la voie polyvalente qui combine quatre périodes en transition et quatre en qualifiant pour maintenir cette double ouverture. Chaque établissement devra garantir l'accès à au moins deux de ces voies. La concrétisation de cette réforme fera l'objet d'un travail concerté avec les acteurs de terrain pour proposer une organisation scolaire réaliste adaptée tant aux écoles qu'aux élèves. Par ailleurs, un stage de trois jours dans un domaine choisi viendra compléter ce dispositif offrant aux élèves l'occasion de découvrir concrètement un environnement d'études ou de travail. En fin d'année, chaque élève présentera une défense orale de son projet d'orientation devant un jury sur la base de son carnet, de ses productions et de ses expériences. Cette épreuve, tout comme la validation des huit périodes d'orientation, aura la même valeur que les épreuves externes certificatives et que la nouvelle épreuve intitulée «certificat d'enseignement secondaire inférieur».
Un autre point très important: un élève qui a réussi sa troisième année poursuivra son parcours durant la quatrième année de l'enseignement secondaire de son choix. En cas d'échec, il recommence sa troisième. Il n'est pas relégué dans une soi-disant sous-filière, comme c'était le cas auparavant. Il recommence avec la possibilité de conserver son choix d'orientation ou d'en modifier les modalités. Il faut également insister sur le fait que, quelles que soient les activités orientantes choisies dans les huit périodes en troisième année secondaire, l'élève garde le choix de la filière de transition qualifiante en quatrième année secondaire.
Il n'y a donc pas de recette magique pour réduire les inégalités, mais il y a du sens à écouter ceux et celles qui s'y emploient chaque jour dans leur classe. Les enseignants connaissent en effet le mieux les réalités et besoins de leurs élèves. Ils les accompagnent jour après jour.
C'est ce que fait le Gouvernement avec cette réforme, qui se veut pragmatique et équilibrée. Elle répond à trois objectifs essentiels de la formation de nos élèves: consolider les fondamentaux, ouvrir à de nouvelles disciplines et éveiller l'orientation. Car découvrir des métiers, tester, explorer, s'essayer, se projeter, c'est aussi apprendre. Accompagner, ouvrir et préparer les jeunes au monde qui change et à sa réalité constituent le rôle premier de l'école, une école du bon sens et qui s'inscrit résolument dans le présent et l'avenir plutôt que dans les schémas hérités du passé.
Nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau et plus en profondeur lorsque le projet de décret sera soumis au Parlement.
Madame la Ministre, comme vous l'avez dit, cette note d'orientation étant adoptée, place à la concertation pour déterminer concrètement les modalités d'implémentation de cette réforme.
La ligne de votre Gouvernement est claire et elle respecte la DPC. En outre, elle respecte l'objectif initial du Pacte puisque les jeunes ne seront pas enfermés dans un parcours d'apprentissage dont ils ne pourraient plus sortir.
Ce qui nous motive, Monsieur Casier, ce ne sont pas vos polémiques politiciennes stériles, ce n'est pas de savoir qui du groupe Les Engagés ou du MR a gagné, ce n'est pas de savoir s'il y a un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout, de tronc commun. Ce qui nous motive, c'est la prise en compte des préoccupations des acteurs de terrain, mais aussi et surtout l'intérêt des élèves.
Cette réforme permet de prendre en considération tous les élèves: ceux qui savent déjà ce qu'ils voulaient faire, ceux qui ne le savent pas encore et ceux qui changeront d'avis en cours de route. Elle respecte la diversité des profils d'élèves qui font la richesse de nos écoles et de notre société.
Et elle répond aux préoccupations des acteurs de terrain qui, pour la grande majorité, ne croient pas en un tronc commun pur et dur jusqu'en fin de troisième année secondaire.
Le Pacte évoque beaucoup l'orientation, une meilleure orientation, une orientation positive. Il faut lire l'avis n°3 du Groupe central. C'est bien de le dire, mais encore faut-il le concrétiser. Et c'est bien ce qui est prévu – enfin – avec la réforme qui nous est présentée.