Question sur la fermeture d'une crèche à Aubel pour cas de maltraitance

14/03/2023

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos du suivi du dossier de la crèche privée Pommes d'Happy à Aubel

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, lors de la séance plénière du 11 janvier et de la réunion de Commission du 24 janvier, je vous ai interrogée sur la crèche privée Pommes d'Happy, située à Aubel.

Cette crèche a été fermée au mois de décembre 2022 par l'Office de la naissance et de l'enfance (ONE) en raison de soupçons de faits de maltraitance, qui avaient été dénoncés par un couple de parents à la fin du mois de novembre.

Pour rappel, la directrice et une puéricultrice ont été écartées. Il aura malheureusement fallu attendre deux mois et demi pour pourvoir à leur remplacement. La crèche n'a rouvert ses portes que le 1er mars 2023, alors que le 24 janvier dernier, vous aviez annoncé une réouverture à la fin du mois de janvier.

La réouverture a eu lieu dans un contexte particulier puisque, quelques jours auparavant, le 22 février, les parents ont reçu un courrier de l'ONE les informant de la faillite de l'ancienne directrice, qui faisait toujours office de pouvoir organisateur. La faillite avait été prononcée la veille par le tribunal de l'entreprise de Liège. Toutefois, l'ONE a trouvé un accord avec le curateur pour assurer une espèce d'intérim en attendant de trouver un repreneur potentiel.

Si cette reprise temporaire de la crèche par l'ONE est une bonne initiative et une bonne nouvelle pour les parents, des questions subsistent sur la gestion de ce dossier.

Madame la Ministre, concernant la fermeture de la crèche, l'enquête menée par l'ONE en parallèle à l'enquête judiciaire a-t-elle déjà abouti à des conclusions? Les faits de maltraitance sont-ils avérés? Ont-ils été perpétrés par une ou plusieurs puéricultrices et pendant combien de temps? Les parents ont-ils été entendus? Si oui, comment cela s'est-il passé? Comment s'est déroulée la communication entre l'ONE et les parents?

J'ai appris que, malgré la reprise de la crèche par l'ONE, les tarifs appliqués sont restés fixés à 34 euros par jour, au lieu de 25 euros par jour. Une mesure compensatoire est-elle prévue pour les 40 familles qui se sont retrouvées sans solution de garde pendant deux mois et demi? L'ONE ne pouvait-il vraiment pas proposer de solution temporaire aux parents durant cette période?

Concernant la réouverture de la crèche, il semble que tout ait pris beaucoup de temps, notamment la procédure de recrutement. L'appel à candidatures a pris fin le 8 janvier, mais la crèche n'a rouvert que le 1er mars. Comment expliquez-vous ce délai? Par ailleurs, tous les candidats n'auraient pas été recontactés. Confirmez-vous cette information? Si c'est bien le cas, pourquoi? Après l'engagement des nouvelles recrues, le 20 février, il a encore fallu attendre deux semaines pour la réouverture de la crèche. Pourquoi? Comment améliorer la rapidité de réouverture dans une telle situation?

Comment voyez-vous l'avenir de cette crèche? Quelles sont les actions menées par l'ONE pour trouver un repreneur?

Combien d'enfants ont quitté la crèche depuis sa fermeture provisoire? Cette crèche provisoire accepte-t-elle déjà de nouvelles inscriptions? Dans la négative, quand de nouveaux futurs parents pourront-ils faire leur demande?

Les situations problématiques dans les milieux d'accueil se sont multipliées ces derniers temps. Existe-t-il des mesures plus adéquates que la fermeture pure et simple d'une crèche lorsque des faits de maltraitance sont suspectés? Par exemple, l'ONE ne pourrait-il pas laisser les puéricultrices non soupçonnées continuer à accueillir les enfants ou faire venir des puéricultrices «volantes»? Je n'imagine pas une école être fermée parce qu'un enseignant est soupçonné de faits de maltraitance. Ne pourrions-nous donc pas nous inspirer de la stratégie appliquée dans les écoles dans de telles situations? Pourquoi une telle différence de traitement entre les crèches et les écoles?

Enfin, le 17 février, vous avez affirmé à un collectif de parents de la crèche d'Aubel que vous étiez déterminée à mieux encadrer ce type de situations à l'avenir. Vous avez déclaré que la réforme en cours de mise en œuvre empêcherait à l'avenir l'exercice d'une activité d'accueil en tant que personne physique et que d'autres évolutions étaient à l'étude afin de clarifier les droits des enfants et des parents en cas de suspension ou de cessation d'activité d'une crèche. Madame la Ministre, vous parlez d'une réforme en cours d'élaboration, mais qu'entendez-vous exactement par là? Pourriez-vous nous en dire plus? Je ne suis pas certaine que vous vous attaquiez bien au cœur du problème puisque, a priori, la situation qui nous occupe n'aurait pas été différente s'il s'était agi d'une personne morale qui avait été déclarée en faillite. Comment améliorer de manière structurelle et durable la gestion des situations problématiques et des fermetures de crèches?

Mme Bénédicte Linard, Ministre de l'Enfance. – La situation de la crèche privée Pommes d'Happy à Aubel, et l'impact de sa fermeture pour les parents, ont suscité un investissement important des services de l'ONE ces dernières semaines. Je vous détaille le résultat de leur travail, dont je tiens à souligner l'efficacité malgré un contexte particulièrement complexe.

En ce qui concerne les enquêtes relatives aux faits de maltraitance, le comité subrégional de l'ONE à Liège a retiré, le 15 décembre 2022 et à la suite d'une réunion avec les parents, l'autorisation de la directrice de Pommes d'Happy. Le retrait de l'autorisation était nécessaire étant donné que la directrice cumulait sa fonction avec celle de pouvoir organisateur en personne physique, comme le permettait la réglementation précédente. Le 18 janvier 2023, la directrice a introduit un recours contre la décision. Le conseil d'administration de l'ONE a examiné le recours, le 15 février 2023, et il a confirmé la décision du comité subrégional de Liège. Cette décision clôt le volet administratif de l'affaire. L'enquête judiciaire est, quant à elle, toujours en cours.

Concernant l'impact de la fermeture de la crèche pour les parents, il faut préciser que les jours de garde perdus à la suite du retrait d'autorisation n'ont évidemment pas été facturés aux parents. Le pouvoir organisateur ayant été déclaré en faillite, le remboursement des montants versés à titre de caution au précédent pouvoir organisateur relève désormais de la curatelle. L'ONE n'a réclamé aucune caution aux parents dans le cadre de la reprise temporaire, comme elle le fait d'habitude.

Les services de l'ONE se sont mobilisés pour trouver une solution transitoire, mais la faiblesse de l'offre locale et la difficulté de trouver un repreneur ont rendu les démarches compliquées. Le précédent pouvoir organisateur réclamait près de 200 000 euros pour céder son activité et la commune n'est, à ce stade, pas intéressée. Compte tenu des circonstances, l'ONE a proposé une solution inédite: maintenir temporairement les activités de la crèche en prenant, à sa charge, les services d'une directrice et d'une puéricultrice. Ce portage transitoire a fait l'objet d'une convention conclue le 23 décembre 2022 et il permet de continuer les recherches pour trouver un repreneur.

L'ONE a ensuite lancé immédiatement une procédure de recrutement. Le service des ressources humaines de l'ONE a travaillé avec toute la rigueur requise pour publier les offres d'emploi. Les candidatures qui respectaient les modalités d'introduction ont reçu une réponse. Les candidats ont ensuite été conviés à un entretien avec les jurys de sélection. Les jurys ont ensuite comparé les candidatures, en tenant compte des aptitudes à prendre une situation de crise en charge. Ils ont sélectionné des candidats en activité, imposant le respect d'un délai de préavis. L'ONE a tenu les parents informés de l'évolution de la procédure.

Le personnel recruté par l'ONE a pris ses fonctions le 20 février dernier. La réouverture de la crèche ne pouvait toutefois s'envisager du jour au lendemain. Il était nécessaire, pour la nouvelle équipe, d'organiser son fonctionnement et les plannings, de régler différentes modalités pratiques, de se familiariser avec les enfants et de rencontrer les parents. Une réunion d'information avec les parents a été organisée le 27 février en soirée.

La faillite du précédent pouvoir organisateur, déclarée le jour même de la réouverture de la crèche, a gravement compromis le processus. Cette décision est intervenue par surprise, la direction précédente ayant procédé à un nouveau recrutement dans le même délai. L'ONE a toutefois fait preuve de réactivité, passant en quelques jours de l'exécution d'une convention à une reprise complète de l'activité de la crèche, mise en œuvre avec le curateur, en maintenant la réouverture au 1er mars.

Concernant un éventuel repreneur, l'ONE est en contact avec deux ou trois pouvoirs organisateurs potentiels et il continue à travailler avec la commune pour examiner la possibilité d'un soutien. Certains éléments d'ordre financier dépendant de la curatelle devraient être clarifiés pour aboutir à un plan financier clair, ce qui faciliterait le processus pour trouver un repreneur.

Depuis la fermeture de la crèche, seuls quelques parents ont trouvé une solution. L'ONE a contacté tous les parents dont l'ancien pouvoir organisateur a fourni les coordonnées. À ce stade, la priorité a été donnée aux enfants qui fréquentaient la crèche ou dont l'entrée était prévue. L'ONE doit à présent renforcer l'équipe d'encadrement, tâche qui aurait dû, sans sa faillite, relever de l'ancien pouvoir organisateur. Dès que l'encadrement sera renforcé, l'ONE ouvrira la crèche à de nouvelles inscriptions d'enfants dans le cadre de la reprise provisoire.

Ces longs développements témoignent de la complexité de la gestion de ce type de situations. La directrice, titulaire personnelle de l'autorisation, faisait partie des personnes mises en cause. Comme je l'ai indiqué au collectif de parents de la crèche, il n'était donc pas possible de procéder à de simples mesures d'éviction. La réforme des milieux d'accueil de la petite enfance (MILAC) menée en 2019 a, depuis lors, interdit l'exercice d'une activité d'accueil en personne physique. De manière plus générale, je partage votre avis sur la nécessité d'améliorer les procédures pour éviter les fermetures de crèche, qu'elles soient liées à une cessation d'activité à l'initiative du pouvoir organisateur ou à un retrait d'autorisation par l'ONE, ou en limiter l'impact pour les parents. Nous devons toutefois rester attentifs à deux éléments. Tout d'abord, les pouvoirs organisateurs, quelle que soit leur nature, ne doivent pas être déresponsabilisés par l'existence d'un mécanisme de prise en charge de l'ONE en cas de fermeture. Le bénéfice d'une autorisation d'accueil est conditionné à un engagement vis-à-vis du public accueilli et de la société tout entière. Nous devons faire en sorte que ces engagements puissent être tenus. Enfin, la tension concernant l'offre des places d'accueil ne doit pas justifier le moins-disant. La sécurité et la qualité de l'encadrement des enfants doivent rester au cœur de nos priorités.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, vos réponses sont essentielles pour la quarantaine de familles dont je n'ai fait que rapporter les interrogations. C'est aussi mon rôle en tant que parlementaire. La fermeture de cette crèche a suscité beaucoup d'émotion, car il s'agit de la seule crèche de la commune d'Aubel.

Je voudrais souligner quelques points, à la demande des parents.

Premièrement, certains parents ont affirmé dans la presse qu'il y avait des problèmes dans cette crèche depuis 2017. L'ONE en aurait été informé et n'aurait pas effectué de contrôle surprise. J'ignore si cette information est vraie, mais je vous en fais part pour que vous puissiez investiguer.

Deuxièmement, dans le cadre de son enquête, l'ONE a organisé une réunion collective le 14 décembre dernier. Selon certains parents, cette réunion s'est avérée intimidante. En raison de la présence de tous les parents, certains n'ont pas osé témoigner. Ces parents auraient préféré être entendus individuellement. Si je vous rapporte ce témoignage, c'est avant tout pour que l'ONE puisse améliorer ses procédures.

Troisièmement, certains parents estiment que l'ONE a peu communiqué avec eux ou qu'ils ont reçu des informations contradictoires au téléphone et par courrier. Il y a eu un imbroglio. L'ONE devrait peut-être également s'améliorer à ce niveau-là.

Quatrièmement, la seule mesure de soutien qui a été proposée aux parents durant les 71 jours de fermeture de la crèche est la mise à disposition d'une liste de places disponibles dans d'autres crèches. Toutefois, cette liste n'était apparemment pas à jour. De plus, la place la plus proche était à Stavelot, soit à 45 kilomètres et plus de 30 minutes en voiture d'Aubel. L'ONE devrait veiller à garder la liste des places disponibles à jour et être capable de fournir des solutions de soutien temporaires dans de telles situations.

Cinquièmement, les parents se demandent comment ils vont gérer les congés légaux de la crèche. En effet, malgré la fermeture de la crèche durant les mois de janvier et février, il y aura encore des jours légaux de fermeture, alors que les parents ont déjà pris tous leurs jours de congé auprès de leur employeur. Si cette problématique persiste, je vous réinterrogerai à ce sujet.

En bref, les parents se posent légitimement toute une série de questions et je ne manquerai pas de suivre l'évolution de ce dossier.