Question sur la réforme de l'alternance (suivi)

10/01/2022

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée MR, à Mr Pierre-Yves Jeholet, Ministre-Président, à propos de la réforme de l'alternance

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Dans mon esprit, la réforme de l'enseignement et de la formation en alternance est un chantier capital pour l'avenir sociétal et économique de la Wallonie et de Bruxelles. Elle est d'autant plus cruciale compte tenu de la relance nécessaire à la suite de la pandémie, de la crise économique et des inondations catastrophiques qui ont touché de nombreuses communes, et ce, dans un contexte de pénurie dans certains secteurs comme la construction.

En septembre dernier, Monsieur le Ministre-Président, je vous interrogeais sur la réforme de l'alternance. À l'époque, vous me confirmiez votre volonté d'avancer sans plus attendre sur ce chantier. Vous m'annonciez que votre gouvernement s'était «accordé sur la nécessité de disposer d'un état des lieux transversal de l'enseignement qualifiant et de la formation professionnelle» dans le but de «mieux articuler ces secteurs entre eux en veillant à encourager les synergies, les mutualisations de ressources et les rationalisations» à y mettre en œuvre.

Ainsi, vous aviez saisi vos collègues ministres-présidents de Wallonie et de Bruxelles afin de leur proposer de «lancer une initiative commune dans l'immédiat», en leur adressant une proposition de méthodologie pour renforcer l'enseignement qualifiant et la formation professionnelle de manière transversale. Il s'agit plus précisément de définir et initier une véritable «feuille de route transversale» visant à «repenser structurellement les dispositifs et le paysage de l'enseignement qualifiant et de la formation professionnelle, en particulier l'alternance». Vous ajoutiez enfin que cette «dynamique impliquera la création d'un comité de pilotage composé sur la base des propositions des différents niveaux de pouvoir concernés» et que «les acteurs de l'enseignement, de la formation professionnelle et du monde de l'entreprise seront bien entendu impliqués dans le processus».

Quelles réponses les ministres-présidents wallon et bruxellois ont-ils donné à votre proposition de lancer une initiative commune en la matière? Avez-vous repris le dialogue avec eux par rapport à cette réforme? Ont-ils accepté la méthodologie proposée? Quel est l'état d'avancement de vos travaux? La rédaction d'une feuille de route transversale est-elle à l'œuvre? Un comité de pilotage a-t- il été mis sur pied? Comment se compose-t-il? De manière générale, pourriez- vous faire le point sur ce dossier?

M. Pierre-Yves Jeholet, ministre-président. - Au mois de septembre dernier, j'ai effectivement adressé un courrier aux ministres-présidents wallon et bruxellois afin d'organiser un dernier échange entre nos cabinets respectifs sur la base de la «Note d'orientation relative à la méthodologie à mettre en œuvre en vue d'un renforcement transversal de l'enseignement qualifiant et de la formation professionnelle (et en particulier, de l'alternance)». L'objectif était d'inscrire cette note préalablement concertée à l'ordre du jour des différentes réunions des gouvernements. Hormis les accusés de réception et quelques échanges informels, je n'ai reçu aucun retour formel de mes homologues.

Face à ce constat, j'ai fait état de la situation auprès du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles le 14 octobre dernier. Le gouvernement a adopté ladite note d'orientation, mais il m'a en même temps chargé de soumettre à nouveau le projet aux ministres- présidents wallons et bruxellois en vue de recueillir leurs éventuelles remarques complémentaires à celles déjà exprimées et intégrées dans le projet que nous avions approuvé. Le gouvernement a également rappelé sa volonté d'aboutir rapidement à une adoption commune par les différents gouvernements. Je parle bien d'une note d'orientation avec une méthodologie bien définie.

J'ai donc à nouveau écrit à mes homologues afin de finaliser les travaux. À ce jour, seul le ministre-président bruxellois m'a répondu formellement à la fin du mois de décembre dernier, afin de solliciter la tenue d'une rencontre interministérielle rassemblant l'ensemble des ministres concernés au niveau de la Région wallonne, de la Région bruxelloise et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette rencontre aura pour but, selon la demande qui m'est parvenue, de discuter à nouveau des termes de la note d'orientation commune à adopter. Cette demande ne me pose aucune difficulté particulière et je vais proposer d'organiser très prochainement cette rencontre.

De manière générale, je regrette toutefois le temps perdu dans ce dossier et j'espère vivement que la rencontre sollicitée permettra cette fois d'avancer concrètement dès les prochaines semaines. Outre les différentes déclarations de politique générale, régionale ou communautaire, qui convergent vers un objectif commun, il existe un momentum pour entamer ces discussions. Je suis convaincu qu'une meilleure articulation de l'enseignement qualifiant et de la formation professionnelle, en particulier de la formation en alternance, sera non seulement vectrice d'émancipation pour de nombreux jeunes marqués par la crise, mais participera également à la relance socioéconomique. Les entreprises manquent de main-d'œuvre et de personnel formé et qualifié dans différents secteurs. Certains métiers sont en pénurie: c'est notamment le cas pour les métiers du secteur numérique et les métiers d'avenir. Il est important de prendre conscience de cette pénurie, car elle freine la relance économique que nous souhaitons pour notre Région.

Par ailleurs, à défaut d'une action politique rapide et d'une volonté partagée de travailler ensemble, je ne voudrais pas que les seules mesures adoptées dans le domaine de l'alternance soient de nature à accroître la concurrence entre les acteurs incapables de collaborer, plutôt qu'à répondre aux besoins des apprenants qui souhaitent plus de lisibilité et d'efficacité dans notre offre de formations.

En effet, comme je l'ai rappelé à l'occasion des 50 ans de notre institution, il est temps plus que jamais pour les Wallons et Bruxellois d'exprimer leur volonté commune et de redessiner les contours du projet francophone. Pour ce faire, une réforme de l'État n'est pas nécessaire. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une volonté intrafrancophone d'avancer. Ce que nous devons atteindre tous ensemble n'est rien d'autre que la meilleure façon de servir nos concitoyens et de répondre à leurs besoins. Pour atteindre cet objectif, nous devons nous asseoir autour d'une même table afin de définir d'abord les objectifs des politiques à mener, pour déterminer ensuite qui peut les déployer et comment il peut le faire. Pour ce faire, dans un domaine aussi complexe que l'alternance, il est nécessaire d'effectuer un travail préalable de mise à plat; c'est l'unique objet de la note d'orientation que je propose depuis plus d'un an. Ce n'est pas en agissant seuls dans notre coin que nous améliorerons les dispositifs actuels ou réformerons des politiques qui dépendent de plusieurs niveaux de pouvoir.

Madame la Députée, vous connaissez néanmoins mon optimisme et mon abnégation. Je continuerai donc d'appeler au dialogue afin que, tous ensemble, nous avancions. J'inviterai ainsi rapidement l'ensemble des gouvernements et ministres concernés à une réunion interministérielle. Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles est prêt et disponible pour dialoguer avec les autres entités.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Tout comme pour l'amélioration de l'attractivité des filières STEM (Science, technology, engineering and mathematics) - dossier piloté par la ministre Glatigny chargée de l'Enseignement supérieur -, je salue le travail de votre gouvernement et votre volonté de collaborer activement avec les Régions wallonne et bruxelloise. La coopération des différentes entités fédérées est essentielle dans ces deux dossiers.

Je regrette que beaucoup de temps ait été perdu et que vos homologues ministres-présidents régionaux n'aient pas fait de l'alternance une priorité. Il est grand temps d'avancer sur ce dossier. Une meilleure articulation et une vision commune entre politiques d'enseignement, de formation et d'emploi sont indispensables. Je ne manquerai pas de continuer à suivre avec attention ce chantier.